Recension des recettes et procédés de dorure du laiton pratiqués en France du XVIe au XIXe siècle
Initiée en 2005 cette étude comparée des recettes et procédés de dorure publiés entre le XVIe et le XIXe siècle est encore inachevée. L’année 2019 a vu l’arrivée de madame Morgane Vitcoq, étudiante de master de l’École du Louvre, et qui a pris comme sujet de mémoire l’étude des ouvrages du XVIIe siècle. L’objectif de ce travail de recension est d’apporter une contribution de synthèse, de classement et d’identification des recettes et des techniques de dorure pratiquées durant les périodes étudiées, de les confronter à plusieurs années de pratique de la dorure et de conservation-restauration des bronzes dorés.
Le corpus des ouvrages étudiés privilégie les publications éditées, en leur temps, en langue véhiculaire (principalement le français), que l’on suppose plus à portée des praticiens et des ouvriers doreurs, pour le petit nombre d’entre eux qui pouvait lire. Les ouvrages publiés dans le langage vernaculaire de l’alchimie ne sont pas retenus car, d’une part, ils ont déjà fait l’objet de nombreuses études très approfondies (voir l’ensemble de l’œuvre de Robert Halleux), d’autre part, ils abordent la question de la métallurgie de l’or et peu l’aspect pratique de la dorure. Ces ouvrages sont riches de procédés relatifs à la chimie et à l’affinage dont la plupart se retrouvent, de manière plus compréhensible, dans les traités pratiques. Les ouvrages publiés en langue latine — langage vernaculaire de la science sur la période étudiée — sont pris en compte dès lors qu’ils ont marqué leur époque ou contenu un nombre important de recettes et de procédés. Des ouvrages publiés en langages véhiculaires allemand, italien, espagnol ont aussi été retenus pour la richesse de leurs informations et leur possible diffusion dans les pratiques professionnelles.
Outre la classification des recettes et des procédés, nous essayons dans ce travail de recension, de mesurer le degré de probabilité de diffusion des informations contenues dans les ouvrages jusqu’aux ateliers. La méthode retenue est basée sur :
- le nombre d’éditions de l’ouvrage ;
- le nombre de citations et de références de l’ouvrage depuis sa première date de publication par intervalle cinquantennal.
La question des bronzes, laitons, alliages cuivreux dans la dorure est doublement complexe. D’une part, le métal de support porte des dénominations variables selon les époques, tel « bronze », « cuivre jaune », « laiton », « letton », « cuivre », « orchal »… Il s’agit, dans l’immense majorité des cas, de ce que l’on nomme de nos jours « laiton », soit un alliage quaternaire de cuivre (85 % à 65 %) de calamine de zinc (30 % à 12 %) de plomb (3 % à 0,5 %) d’étain (0,2 % à 1,5 %). On utilise indifféremment le terme générique « bronze » au sens d’un métal formant un décor et pas dans sa terminologie métallurgique. D’autre part, du fait des dénominations très nombreuses et parfois hasardeuses que peuvent prendre une même technique ou même un procédé, aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.
Il n’est pas rare que le terme « dorer » doive être entendu comme le fait de rendre jaune, de couleur or, un métal, alors même que dans le procédé l’or n’est présent à aucune des étapes. Il en va de même de « or moulu », « couleur d’or moulu » « mise en couleur d’or moulu »…
Selon les auteurs, les traducteurs, la source de l’information, on voit des informations initialement justes, se transformer au cours du temps dans leur emploi, comme pour la cire à dorer qui est devenue en certains ateliers un « secret » alors que cette pratique nommée Glivax, venue d’Allemagne à la Renaissance, était une laitonnisation ou « fausse dorure », et que dans certains ouvrages sa pratique est présentée comme applicable sur de la vraie dorure — ce qui est une hérésie.
La recension des recettes est organisée selon les grandes familles reconnues dans la pratique de la dorure et marquant une étape cruciale des procédés. Ce sont :
- les préparations de l’or et de sa mine,
- les préparations de l’amalgame,
- les fabrications de l’or moulu,
- les préparations du métal avant la dorure,
- les techniques d’application de la dorure,
- les techniques du brunissage de la dorure,
- les techniques de matification de la dorure,
- les techniques de mise en couleur de l’or,
- les techniques de mise en couleur de la dorure,
- techniques de mise en couleur d’or,
- les techniques de dé-dorure et de retraitement des déchets d’atelier.
L’état actuel du travail de recension permet de synthétiser les résultats de l’étude de la sorte, par exemple pour les :

Un travail utile à la compréhension des procédés
Ce travail de recension donne, pour un seul siècle pris en exemple, un nombre important d’informations sur les techniques de la dorure du métal. On comprendra l’utilité de cette action si l’on compare ces résultats aux quelques méthodes trop simplifiées que l’on expose ou oppose régulièrement, comme la « dorure au mercure » et la « dorure électrolytique ».
Il existe de nombreuses techniques de dorure, que l’étude bibliographique des siècles suivants ne cesse d’amplifier.
Ce qui est capital dans ce travail est, entre autres, l’absolue certitude de l’application systématique de la mise en couleur de l’or et de la dorure, car on recense, à ce jour pour ce seul siècle, quinze recettes relevant de cette catégorie. Cette technique décorative essentielle et consubstantielle à la dorure a actuellement intégralement disparu. Il n’existe plus nulle part, dans aucune collection publique, une seule œuvre de laiton doré qui ne soit présentée avec sa mise en couleur. C’est cet oubli capital qui a justifié les années de recherches passées et à venir, afin que la preuve indiscutable et factuelle de l’établissement de la dorure soit établie ; que les bronzes dorés puissent renaître au regard des visiteurs tels qu’ils étaient, si habilement habillés de leur couleur d’or. C’est une révolution culturelle et décorative pour laquelle il faut encore se battre, tellement nos regards se sont habitués à ce qui aurait été inconcevable entre la Renaissance et la fin du XIXe siècle : admirer un bronze doré mis à nu !
Auteurs
Marc Voisot*
Conservateur-restaurateur indépendant
Morgane Vitcoq
* Auteur correspondant.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
INP (2 février 2021). Recension des recettes et procédés de dorure du laiton pratiqués en France du XVIe au XIXe siècle. Variations patrimoniales. Le carnet de l’INP. Consulté le 20 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12soj